


Le Sablier millénaire, poix, verre soufflé, 35 x 50 cm, 2 ex, 2021.
Le Sablier millénaire s’appuie sur l’expérience de la goutte de poix, l’une des plus longues jamais réalisées en laboratoire. Initiée en 1927 par le professeur Thomas Parnell de l’université du Queensland de Brisbane, en Australie, cette expérience scientifique consiste à mettre en évidence la très haute viscosité de fluides d’apparence solide. La poix, du latin « pix, picis », est
« une matière collante, visqueuse et inflammable à base de résines et de goudrons végétaux utilisée principalement pour assurer l’étanchéité de divers assemblages »1. Longtemps utilisée comme enduit imperméabilisant, ou pour fixer des corps légers, elle peut être noire lorsqu’elle est obtenue à partir de bois comme le bouleau, lorsqu’elle est tirée de l’asphalte et du goudron, ou plus claire quand elle est issue de la résine de pin. Pline l’ancien décrit l’extraction de la poix liquide par distillation de la résine de bois très résineux, tels l’épicéa, ou le pin. La Bible mentionne également la poix dans l’épisode du déluge. Noé imperméabilise l’arche selon les instructions de Dieu, de manière à bâtir une embarcation fiable à toute épreuve. Dans un premier temps, Thomas Parnell a fait couler un échantillon de poix chaude dans un entonnoir bouché, puis a laissé reposer la matière pendant trois ans.
Le bouchon de l’entonnoir a été retiré en 1930, de manière à ce que la poix s’écoule, bien que très lentement. Le livre Guinness des records répertorie l’expérience de la goutte de poix comme la plus longue menée en continu en laboratoire : une goutte se forme et tombe en effet toutes les décennies en moyenne. La neuvième et dernière goutte est tombée le 24 avril 2014. On entend par viscosité la résistance d’un liquide à la déformation, et celle de la poix est estimée à environ 230 milliards de fois celle de l’eau, soit 2,3 × 108 Pa s. La thermorégulation consécutive à l’installation de la climatisation dans la pièce où se déroule l’expérience après la chute de la septième goutte en 1988 a stabilisé le processus. En effet, la viscosité de la poix variait au fil des saisons selon les changements de température.
Le Sablier millénaire transforme ainsi l’expérience de la goutte de poix en objet de mesure des longues durées. Le sablier est conçu pour être retourné dans mille ans. Toutefois, la viscosité de la poix demeure particulièrement variable entre 15°C et 30°C, fourchette approximative de la température ambiante en contexte d’exposition. Il se pourrait bien qu’une augmentation de la température atmosphérique moyenne de 1°C au cours des prochains siècles accélère la coulée de la poix dans le sablier.
Le réchauffement climatique viendrait ainsi précipiter la coulée de poix dans le sablier, invalidant par là même le titre de la pièce par un écoulement plus rapide que prévu. Selon une progression imperceptible et néanmoins variable, la poix devient le matériau idoine, propice à mettre en évidence les écarts infimes de la température ambiante. Dans sa chute d’une lenteur extrême, elle accélère par extension notre attention collective au réchauffement climatique. L’Infraobjet Sablier millénaire construit en ce sens un accès sensible, par la pratique artistique, à l’hyperobjet réchauffement climatique.
« une matière collante, visqueuse et inflammable à base de résines et de goudrons végétaux utilisée principalement pour assurer l’étanchéité de divers assemblages »1. Longtemps utilisée comme enduit imperméabilisant, ou pour fixer des corps légers, elle peut être noire lorsqu’elle est obtenue à partir de bois comme le bouleau, lorsqu’elle est tirée de l’asphalte et du goudron, ou plus claire quand elle est issue de la résine de pin. Pline l’ancien décrit l’extraction de la poix liquide par distillation de la résine de bois très résineux, tels l’épicéa, ou le pin. La Bible mentionne également la poix dans l’épisode du déluge. Noé imperméabilise l’arche selon les instructions de Dieu, de manière à bâtir une embarcation fiable à toute épreuve. Dans un premier temps, Thomas Parnell a fait couler un échantillon de poix chaude dans un entonnoir bouché, puis a laissé reposer la matière pendant trois ans.
Le bouchon de l’entonnoir a été retiré en 1930, de manière à ce que la poix s’écoule, bien que très lentement. Le livre Guinness des records répertorie l’expérience de la goutte de poix comme la plus longue menée en continu en laboratoire : une goutte se forme et tombe en effet toutes les décennies en moyenne. La neuvième et dernière goutte est tombée le 24 avril 2014. On entend par viscosité la résistance d’un liquide à la déformation, et celle de la poix est estimée à environ 230 milliards de fois celle de l’eau, soit 2,3 × 108 Pa s. La thermorégulation consécutive à l’installation de la climatisation dans la pièce où se déroule l’expérience après la chute de la septième goutte en 1988 a stabilisé le processus. En effet, la viscosité de la poix variait au fil des saisons selon les changements de température.
Le Sablier millénaire transforme ainsi l’expérience de la goutte de poix en objet de mesure des longues durées. Le sablier est conçu pour être retourné dans mille ans. Toutefois, la viscosité de la poix demeure particulièrement variable entre 15°C et 30°C, fourchette approximative de la température ambiante en contexte d’exposition. Il se pourrait bien qu’une augmentation de la température atmosphérique moyenne de 1°C au cours des prochains siècles accélère la coulée de la poix dans le sablier.
Le réchauffement climatique viendrait ainsi précipiter la coulée de poix dans le sablier, invalidant par là même le titre de la pièce par un écoulement plus rapide que prévu. Selon une progression imperceptible et néanmoins variable, la poix devient le matériau idoine, propice à mettre en évidence les écarts infimes de la température ambiante. Dans sa chute d’une lenteur extrême, elle accélère par extension notre attention collective au réchauffement climatique. L’Infraobjet Sablier millénaire construit en ce sens un accès sensible, par la pratique artistique, à l’hyperobjet réchauffement climatique.